mercredi 30 juin 2010

Précis de topographie 17

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

Ce n'est pas tant d'en voir un deuxième si peu de temps après le précédent qui m'a le plus étonnée. Ni même que ce soit à nouveau dans la rue de la paix. Pas même non plus que, fortement alcoolisé, il préfère rester allonger sur le trottoir et ramper lentement plutôt que tenter de se relever.
Non.
Ce qui m'a le plus surprise, c'est que la jambe qu'il agitait de manière véhémente, à bout de bras, était blanche. Alors que lui, l'unijambiste, était noir.

mardi 29 juin 2010

Tuesday self portrait (une défiguration)


"Un jour, en regardant distraitement les photos d'identité prises dans ma dix-neuvième année pour un passeport, j'avais découvert, ce qui jusque là ne m'avait pas particulièrement frappé, que mon nez défigurait totalement mon visage, que la photo, comme me le confirmaient toutes celles que j'avais aussitôt recherchées, faisait apparaître ce qu'il était véritablement, et je m'étais dès lors juré de faire tout mon possible pour ne plus être photographié, et j'avais été surpris de la facilité avec laquelle ma phobie avait été acceptée, une fois invoqué ce ridicule prétexte professionnel, qui par ailleurs entourait toujours d'un certain mystère la nature exacte de ma fonction." 
Alain Spiess. Anniversaire.

lundi 28 juin 2010

Au revoir météo


La traduction automatique a rendu les mots aussi beaux et énigmatiques qu'un fragment poétique.
Mais sa voix, c'est sa voix trop rare et chérie qui les a teintés d'une poignante mélancolie.

Ça s'apprend.
Tourner le dos aux ruelles, aux quatre saisons, aux avions.
Ça s'apprend.
Dire au-revoir, faire du langage courant la promesse de se revoir.

Les sentiments, souvent, changent avec le temps.
On déplore, pourtant, que les prévisions ne soient pas possibles, les concernant.

dimanche 27 juin 2010

La bibliothèque à venir

Il y a ces livres qui s'entassent et dont on oublie la longue et discrète présence et qu'on redécouvre avec surprise un jour où la pluie nous retient d'aller nous disperser ailleurs.
Et puis il y a ceux dont on entend parler d'une manière ou d'une autre et qui nous font tout lâcher pour aller chez notre libraire avec autant d'urgence, de précipitation et d'impatience que s'il s'agissait de le braquer.

"L'hypnose pure du style, qui est ce qui fait tourner les pages sans méthodes frauduleuses ni procédés de baraque de foire; les rafales d'une pensée inquiétante qui, si elle n'est pas irrationnelle, n'a pas besoin d'exposer de raisons pour s'affirmer et persuader au moment de se manifester; les descriptions exactes comme une carte ou un tableau; le souffle long, le paragraphe noble, la vigueur de la prose qui oblige à lire en retenant sa respiration, et pas précisément parce que le lecteur est impatient de savoir ce qui va se passer ou ce qui se passe (ce qu'il est impatient de voir, c'est ce passage); le pouls de la décadence, dont on ne lui parlera pas, mais qu'il sentira palpiter; la représentation de l'attente, qui est ce en quoi consiste la vie de tous les hommes, son essence; les dépouilles que l'amour laisse sur son passage après être toujours arrivé en retard à son rendez-vous avec les personnes; l'intrusion du passé et du rite et du ressentiment, c'est à dire de tout ce qui ne cesse jamais d'être ou ne passe jamais tout à fait, et guette le présent et commande au futur; "la malveillance d'un temps comme le vent", selon ce qu'a dit récemment Sanchez Ferlosio, le son de ce vent sur les toits et contre les portes, sur les landes et à travers les rivières et à la cime des monts; le bruit des batailles et le silence des exécutions; l'usurpation et les malédictions d'une nature toujours plus puissante que ses victimes, qui la contemplent derrière une fenêtre aux vitres cassées; et aussi ce qu'il y a de plus intime, la rumeur des objets qui n'appartiennent plus à personne, l'écriture des lettres qui ne seront jamais lues et les voix des vêtements que les morts ont laissés derrière eux, encore suspendus aux patères. 
Le lecteur audacieux trouvera tout cela et bien davantage encore dans les livres de Juan Benet. Il se peut qu'il ait parfois le sentiment de ne trouver que des morceaux, des fragments marmoréens d'une immense pierre, et selon moi cela ne devrait pas le préoccuper ni le dissuader, mais l'inciter à poursuivre : parce que les textes de Benet résonnent quand on a terminé de les lire, et dans sa littérature le jeu ne consiste pas principalement à comprendre ou à savoir ou à suivre une histoire terrifiante ou magnifique, mais plutôt à lire, et à s'arrêter et à s'étonner, et à continuer à lire."
Javier Marias. Littérature et fantôme.

samedi 26 juin 2010

Enregistrer maintenant


S'il m'arrive fréquemment de croiser plusieurs femmes enceintes dans une même journée, il est cependant rare que je rencontre des nouveaux nés. Le plus récent avait 17 jours. Le temps d'un voyage de trois étages en ascenseur, j'ai regardé son visage encore vierge et ses yeux sans passé.

souvent les enfants
sont lents
à grandir 
et il faudrait être voyant
pour deviner leur avenir
en les regardant dormir

Nous avions à peine 22 ans et le sentiment qu'on n'avait pas encore nommé mais qui nous fit, peu après, nous marier, nous encouragea à en passer, des soirées d'alcool et de paroles au bout desquelles ses souvenirs d'enfance étaient devenus un peu les miens.
Il y avait cette petite frénésie de tout connaître de nos jeunes vies. 

En ce moment, je souris et je serre les mains que l'on me tend.
Les visages ont mon âge. Ou un peu davantage.
Il serait vain de tout vouloir savoir. Vain et long.
Les épidermes ne sont plus lisses et j'ai cessé d'être pressée.
Un jour, peut-être, j'apprendrai quel goût avaient les petits pots de crème que leur grand-mère cuisinait dans leur enfance.
Un jour, peut-être, je saurai quelle trahison a assombri leur regard.
Un jour ils me diront de qui ils savent avoir été aimés.
Mais, plutôt que de visiter leur passé,
 j'ai le plus souvent envie de partager leurs actualités.
 

vendredi 25 juin 2010

Le rendez-vous de 8H30

Je l'ai embrassé et j'ai descendu l'escalier précipitamment et j'ai été à l'heure au rendez-vous, même si, après tout, ça n'avait pas beaucoup d'importance.
Pendant que l'employée cherchait mon nom et que sa collègue disait à une femme en lui tendant une photo "ça ne va pas, il vous manque une oreille", j'ai observé les tranches des cartons d'archives et cela n'avait aucun intérêt.
Alors j'ai regardé par la fenêtre et j'ai tenté d'imaginer la vie possible, dans l'appartement aux fenêtres avec vue sur ce bureau.
La bouilloire sur une étagère, le lustre tout simple, les murs blancs, le plafond haut et le sac aux motifs chinois suspendu à la poignée.
Et puis, juste avant qu'on me dise "ça y est, vous êtes en règle", une femme en sous-vêtements blancs est entrée dans le champ et a posé une cafetière italienne sur la table sans tourner la tête vers moi.

jeudi 24 juin 2010

Une enquête sentimentale


Aimez-vous avoir un nourrisson dans les bras ?
Pleurez-vous au cinéma ?
Vous êtes-vous déjà électrocuté ?
Avez-vous une saison préférée ?
Auriez-vous préféré avoir une autre nature de cheveux que celle dont vous êtes doté ?
Cuisinez-vous souvent des omelettes aux champignons ?
Savez-vous quel parfum portait votre mère quand vous aviez dix ans ?
Célébrez-vous volontiers les anniversaires ?
Vous souvenez-vous le lendemain à quoi vous avez pensé la veille avant de vous endormir ?
Sollicite-t-on souvent votre avis ?
Connaissez-vous la première impression que vos voisins ont eu de vous ?
Y-a-t-il un bijou qui ne vous quitte jamais ?


mercredi 23 juin 2010

Précis de topographie 16

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.


Bien sûr, je pourrais m'abonner à la saison lyrique du théâtre de la Monnaie.
Bien sûr, je pourrais, dès à présent, acheter une place pour aller écouter un chanteur dont le portrait annonce sa présence en ville cet automne.
Mais je peux, plus simplement, aller m'asseoir avenue de la toison d'or et profiter du concert qu'y offre quotidiennement l'infatigable violoniste.

mardi 22 juin 2010

Tuesday self portrait (motrice)


L'unijambiste dont le short souple laissait deviner que sa prothèse métallique était fixée à l'aine a traversé la place Fernand Coq. Je l'ai revu un peu plus tard, dans le magasin de seconde main de la rue de la paix : la béquille lui faisant office de jambe dépassait, sous le rideau de la cabine d'essayage.

lundi 21 juin 2010

Orientation professionnelle


"Si puissante que soit notre technologie et si complexes que soient nos corporations, la plus remarquable caractéristique du monde contemporain du travail est peut-être finalement interne, consistant en un certain aspect de nos mentalités : la croyance très répandue que notre travail doit nous rendre heureux. Le travail a été au centre de toutes les sociétés; la nôtre est la première à suggérer qu'il pourrait être beaucoup plus qu'une punition ou une pénitence, et que nous devons chercher à travailler même en l'absence d'un impératif financier. Notre choix d'une profession est censé définir notre identité, au point que la question la plus insistante que nous posons aux gens dont nous faisons la connaissance ne porte pas sur leur origine ou leurs parents, mais sur ce qu'ils font, l'idée étant que le chemin vers une existence dotée de sens doit invariablement passer par le portail d'un emploi satisfaisant et profitable. 
Il n'en a pas toujours été ainsi. Au IVè siècle avant notre ère, Aristote définissait une attitude qui allait durer plus de deux mille ans lorsqu'il parlait d'une incompatibilité foncière entre la satisfaction et un emploi rémunéré. Pour le philosophe grec, le besoin pécuniaire rabaissait au rang des esclaves et des animaux. Le travail manuel, non moins que les côtés mercantiles de l'esprit, menait à une déformation psychologique. Seuls un revenu privé et une vie de loisir pouvaient permettre aux citoyens de goûter réellement les plaisirs supérieurs de la musique et de la philosophie."
Alain de Botton. Splendeurs et misères du travail.

dimanche 20 juin 2010

(Petite) dernière

Elle entrait dans ma chambre et me proposait d'aller marcher.
Il s'agissait plutôt de regagner le premier banc libre au bord du lac voisin, de s'asseoir sur le dossier et de laisser parler notre mal-être. Mais il nous arrivait de rire, tout aussi fréquemment.
Je me plaignais de lui servir d'alibi, j'aurais tant aimé que nous sortions ensemble parce qu'elle s'intéressait à ma conversation et pas seulement parce qu'elle avait envie de fumer.
Je râlais et, pourtant, j'aurais aimé qu'elle frappe à la porte de ma chambre plus souvent.
Elle n'a plus de briquet dans sa poche et les maux de notre adolescence sont loin.
Nous ne nous asseyons plus sur le dossier des bancs et nous n'avons plus, depuis longtemps, de comptes à rendre à nos parents.
Mais j'aime toujours autant quand elle vient chez moi et que nous sortons marcher, parler et rire.

samedi 19 juin 2010

vendredi 18 juin 2010

Bande passante

J'vais vous dire, avec tout l'respect que j'vous dois, j'avais un orgue de barbarie, moi.

Faut pas croire, je fume des cigares mais je suis pas...

Je peux pas venir ce soir, je vais en France donner la réplique à Franck... Ouais, je sais que j'ai pas le droit mais je porterai un masque.

De toute façon, je vais pas m'acharner. J'ai bien vu ce que ça donnait quand j'essayais de discuter avec elle : elle ne veut rien entendre.

Ah oui, j'oubliais Madrid ! Elle a fait Madrid aussi !
La bande son de mes journées ressemble à une radio dont on ferait défiler les stations sans jamais s'arrêter.
Je me sens dépositaire d'instants de vies que personne ne m'a confiés. 
Spectatrice d'une multitude de pièces de théâtre inachevées. 
Menant une enquête dont les témoignages ne concordent pas.
J'aimerais, parfois, en savoir plus.
Savoir aussi pourquoi la jeune fille brune qui a inscrit untitled sur le tendre de son bras a le sourire si rare.

jeudi 17 juin 2010

Une enquête sentimentale

Retenez-vous facilement le nom des personnes qu'on vous présente ?
Avez-vous déjà posté une lettre de démission ?
Répondez-vous Rien à la question Qu'est-ce que tu deviens ?
Croisez-vous souvent des femmes enceintes ? 
Ou des nains ?
Avez-vous remarqué la couleur des yeux de votre boulangère ?
Ressemblez-vous à l'un plus qu'à l'autre de vos parents ?
Regrettez-vous d'avoir perdu de vue certaines personnes qui vous étaient proches ? 
Pensez-vous qu'elles sont vraiment perdues ? 
Ou pensez-vous Un jour je les retrouverai ?
Dans ce cas, qu'attendez-vous ?

mercredi 16 juin 2010

Précis de topographie 15

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.

Le temps des trajets quotidiens et invariables se mesure autrement qu'en minutes.
Y rencontrer quelques habitués aussi pressés que nous suffit à nous situer sur le cadran d'une horloge.
Je sais être à l'heure si je croise le chien aux poils longs devant le café de Loix ainsi que l'homme à l'attaché case au milieu du passage souterrain de l'avenue Louise.
Et j'imagine que, de la même façon, le bruit de mes talons sur les pavés indique au jeune homme blond assis sur le perron que la voiture qu'il attend ne va pas tarder à arriver.

J'ai allongé mes foulées : jamais je ne l'avais encore croisée si bas dans la rue Berckmans. Tous les jours, la dame en rose décline cette unique couleur dans toutes les nuances possibles, du bandeau qui retient joliment ses cheveux à ses chaussures de ballerine.
Hier, elle parlait à une jeune fille blonde : Je suis complètement épatée par...
Si j'avais été encore plus en retard, c'est la fin de sa phrase que j'aurais entendue.

mardi 15 juin 2010

Tuesday self portrait (un anniversaire)

Avant, je n'étais pas elle, 
Avant toi. 

lundi 14 juin 2010

REVISION

Voici quelques phrases que nous avons déjà vues. Marquez un point si vous comprenez parfaitement, un demi-point si vous devinez la signification. Si vous totalisez plus de 6 1/2 c'est très bien, le succès est assuré; si vous totalisez plus de 4 c'est bien; si vous avez moins, ne vous découragez pas mais continuez plus lentement, reprenez les nouveaux textes deux ou trois fois de plus et à intervalles réguliers.
1. Wie wil wat taart hebben ? 2. Met een goed apparaat is het gemakkkelijk, als er maar wat zon is. 3. De tijd vliegt snel, gebruik hem wel. 4. Op het einde van de week ga ik op reis. 5. Mag ik u misschien een sigaret aanbieden ? 6. De kwestie is, een geschikte gelegenheid te vinden. 7. Kan de zalm vervangen worden door een ander gerecht ? 8. Toch blijft hij hopen eindelijk eens het goede middel te vinden. 9. Het moet er nu prachtig zijn en met de bus zijn we er in minder dan een half uur. 10. ze hebben frisse lucht en beweging noding.
1. Qui veut avoir un morceau de tarte ? 2. Avec un bon appareil c'est facile, si seulement il y a un peu de soleil. 3. Le temps vole vite, employez-le bien. 4. A la fin de la semaine je vais en voyage. 5. Pourrais-je (puis-je, peut-être vous) offrir une cigarette ? 6. La question est de trouver un endroit convenable. 7 Le saumon peut-il être remplacé par un autre plat ? 8. Cependant il continue à espérer trouver finalement le bon remède. 9. Il doit y faire magnifique maintenant et en autobus nous y serons en moins d'une demi-heure. 10. Ils ont besoin d'air frais et de mouvement.

"Assimil" Le néerlandais sans peine.

dimanche 13 juin 2010

"Je n'attends vraiment rien, je viens pour y lire des bouquins"

Nous aurions préféré payer une amende plutôt qu'en être dispensées sous le prétexte de notre criant provincialisme qui nous avait fait monter par erreur en 1ère classe.
Mais, quelques heures plus tard, découvrant l'addition de mon lait fraise et de son café, nous nous étions, au contraire, réjouies de la mansuétude du contrôleur de la RATP.
Elle avec l'espoir d'y croiser le chanteur à la mode, moi avec la curiosité des années existentialistes, nous nous étions installées dans ce décor dont la banalité nous avait légèrement déçues, ce que, pour rien au monde, nous n'aurions avoué.
Nos 17 ans nous contraignaient autant que des vêtements trop étroits et nous mimions l'assurance qui, en réalité, nous faisait tant défaut.
Nous aurions été bien en peine d'esquisser ne serait-ce que les contours flous du futur que nous attendions avec impatience et, pourtant, lorsque le serveur déposa devant l'homme, à la table voisine de la nôtre, un café et des croissants sans qu'il ait eu besoin de les commander et lui demanda de ses nouvelles, je sus au moins cela de ma vie à venir : moi aussi, un jour et quelque part, je ferai partie des habitués.
Vous allez bien madame ?
Le patron dépose un café noir à côté de mon livre à l'heure du petit déjeuner.
Sur la place du marché, je fais partie des invariables du décor et je savoure ma galette de semoule autant que le fait d'être adulte.

samedi 12 juin 2010

Un (autre) samedi

L'une a dit humaine, à propos d'une personnalité politique rencontrée dans la journée.
Cette autre a parlé de son chat qui a pour habitude de boire l'eau de ses pinceaux.
Et, plus tard dans la soirée, il y a eu celle qui s'est exclamée mais je ne sais même pas ce que ça signifie "condoléances" !
Leurs coups, leurs bosses affleurent sous leur capacité flagrante à rire d'elles-mêmes comme de tout. 
A chacune j'ai trouvé une manière particulière d'être belle et doucement forte.

Un instant, je me suis demandée à quoi ressemblerait une pareille assemblée d'hommes. 

Et, alors que je regardais le minuscule bijou doré que la veine de son cou faisait palpiter : Et toi, tu n'as pas peur d'avoir bientôt 40 ans ?

vendredi 11 juin 2010

"On sentait les genoux de la petite quand on posait la main sur le ventre"

Peut-être ses amis louent-ils sa grande tempérance, l'ouverture de son esprit.
Peut-être aime-t-il nouer un tablier autour de son cou et improviser quelque festin pour régaler ses proches.
Peut-être n'oublie-t-il aucun anniversaire, peut-être offre-t-il des fleurs les jours de fête.
Peut-être tient-il toujours la porte à qui entre à sa suite dans les magasins.
Et pourtant, dans la bouche de celui qui, dans les cafés, aime à raconter à la cantonade la naissance de sa fille, il restera toujours ce connard de gynéco qui a inutilement fait durer les souffrances de sa femme, espérant jusqu'au dernier moment que le bébé décroiserait ses jambes et se retournerait.

jeudi 10 juin 2010

Une enquête sentimentale

Vous reconnaissez-vous sur les photos qu'on prend de vous ? 
Qu'avez-vous éprouvé en rangeant vos affaires d'hiver ?
A quel âge remonte votre plus ancien souvenir ?
Allez-vous à la piscine le dimanche matin ? Ou un autre jour ?
Aimez-vous entendre à l'improviste la chanson emblématique de l'été de vos treize ans ?
Comment avez-vous choisi le livre que vous êtes en train de lire ?
Aimez-vous aller chez le coiffeur ?
Que faites-vous en premier quand vous rentrez chez vous ?
Préférez-vous l'heure du petit déjeuner ou celle de l'apéritif ?

mercredi 9 juin 2010

Précis de topographie 14

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.
Elles s'appelaient Odakyu ou Yamanote, les heures que je passais en train après avoir dévalé l'escalier du premier.
Jamais en avance, non, malgré ce que je me promettais la veille.
Je regardais défiler la ville infinie, écrivais mon courrier du coeur, comblais un peu mon déficit de sommeil, fardais mes paupières.

A présent, c'est trois étages que je descends toujours aussi précipitamment mais ce n'est plus vers un train que j'allonge le pas.
A l'intersection de la rue du trône et de la place de Londres, j'ai juste assez du temps de l'attente au feu pour rougir mes lèvres, face au miroir de l'ancienne poissonnerie.

mardi 8 juin 2010

Tuesday self portrait (un reflet)


Depuis 4 ans que je pratique les tuesday self portraits
mon appareil photo est devenu 
un miroir.

"Je connais mon heure. Sans avoir examiné à la loupe, au compas, au goniomètre, à la lumière rouge, le point de l'écliptique qui se trouvait à l'horizon quand j'ai franchi le néant à pieds joints, je me connais et je me reconnais comme si j'étais un bon billet de banque. Quand je m'invite au restaurant dans le monde ou chez la nuit, je consens, je me laisse faire, mais au fond, je ne marche pas. Je me connais. 
Je vis en compagnie d'hommes de mer, d'écrivains pour jazz, d'astronomes, de magnétiseurs, de physiologistes, de marchands de tabac et d'hôteliers. Ce sont mes frères secrets, que hante le même grouillement d'étoiles maternelles. 
J'ai un chiffre, un jour, une pierre, un climat, des plats préférés, des poires pour la soif, des allées et venues de prédilection et des vices que je ne confonds pas. 
Je me doute un peu que tout était prévu, depuis l'allumeur de réverbères qui chaque soir m'éclaboussait de vieille paille quand je revenais du lycée, jusqu'aux trains qui arrivent en retard, et aux huissiers qui m'attendent comme des sentinelles au tournant des semaines et des années. Tous les censeurs, contrôleurs d'autobus, chauffeurs de taxi soudain en panne, concierges bibliophiles, sont mes compagnons de route, comme les averses inattendues, les rues que l'on ne trouve pas, les peaux de bananes, et les étreintes brusques, longtemps désirées, mais sur lesquelles on ne comptait plus, sont des cadeaux."
Léon-Paul Fargue. Haute solitude.

lundi 7 juin 2010

COMME DANS UN LIVRE

C’est une habitude qui lui vient de sa mère : toujours elle marque sa page avec un tract, une photo, une carte postale… qu’elle pioche au hasard dans son sac.
Au café l’emballage du carré de chocolat. Dans le métro son ticket.
Ainsi, ses livres ne s’abîment pas, reposent dans sa bibliothèque comme si jamais ils n’avaient été lus et font ressembler son salon à une librairie.

Sa voisine, elle, a délibérément cassé la tranche de son roman avant de le retourner et de le poser près du miroir. Puis elle s’est levée.
Ce volume à l’envers -grand ouvert- lui rappelle l’expression entendue ce matin à la radio.
Elle connaît l’auteur de ce roman. Elle aussi a lu un de ses livres. Pas celui-là, un autre. Comment s’appelle-t-il, déjà ?

Tournant le bouton en cours d’émission, elle avait entendu la fin de la phrase de l’homme politique Vous pensez bien que je n’ai pas le temps de lire... Sauf les désirs de ma femme, comme dans un livre ouvert.

On oublie tant de détails d’une histoire qui n’en est plus à ses balbutiements et, bien sûr, encore davantage quand elle est finie depuis longtemps.
Qui,le premier, a tutoyé l’autre ? Quel cadeau a-t-on offert à l’anniversaire fêté en bord de mer ?
Sans compter les connivences, les phrases qu’on achève ensemble en riant, les petits noms inventés qui, faute d’être utilisés, sont les premiers à disparaître.

Mais comment s’appelle ce livre ?

Elle se souvient très bien, en revanche, que sur la couverture de cette édition en poche était reproduit un tableau de Hopper.
Elle ne l’avait pas acheté, ce livre-là, elle ne l’avait pas choisi : il avait été oublié ou abandonné par une cousine de passage –une cousine lointaine dont jamais il ne lui avait parlé auparavant- dans la maison qu’ils avaient louée pour l’été.

L’émail du lavabo avait sauté par endroit et, chaque fois qu’elle se brossait les dents, elle comptait ces accrocs. Pourquoi, de cela, parvenait-elle à se souvenir ?
Un soir, sur la terrasse, ses doigts avaient effleuré son poignet. Plusieurs fois dans la journée, l’air saturé des cigales avait tremblé, secoué par des avions franchissant le mur du son.
Elle avait senti sur sa peau encore un peu de chaleur du soleil de l’après-midi.
Il n’avait pas retiré son bras mais ne lui avait pas non plus abandonné.
Tu sais, finalement, je n’ai aucun goût pour la littérature.
Sa voix était sans tendresse, indifférente.
Et dans le silence qui avait suivi, elle avait entendu le rebond des balles que quelques joueurs échangeaient encore, sur le terrain de tennis, au loin.

L’auteur est Espagnol. Mais comment s’appelle ce livre ? Très célèbre dans son pays, lui semble-t-il.

Cinq ou six ? Cinq ou six impacts dans le lavabo ? Les silences, eux, elle n’avait plus su les compter. Et quand avait-elle enfin admis qu’ils n’étaient plus tendres ?

Il passait sa main dans les cheveux qu’elle portait courts l’année de leur rencontre, il tenait sa nuque fermement quand il l’embrassait et sa voix souriait lorsqu’il disait Comme dans un livre ouvert. Et c’était vrai. Il savait lire en elle et il était le premier. Jamais avant elle n’avait eu cette sensation d’être à nu. Ou bien jamais personne ne s’était soucié de la regarder. Et elle s’était laissée faire, elle s’était laissée lire.
Mais un soir, un soir qu’il tournait le dos à la cheminée après une journée de ski, dans le brouhaha amical du salon, elle avait vu son regard insondable, tourné en lui-même et Pas moi, avait-elle pensé. Pas moi, je ne lis pas en lui, je ne le connais pas. Cette évidence l’avait étourdie, un instant.

Puis ses cheveux avaient poussé et seul le vent lui caressait encore la nuque. Le vent de l’été qui soufflait dans la voile du bateau où il passait ses journées pendant qu’elle lisait ce roman, en l’attendant.
Ou bien, peut-être déjà, n’attendait-elle plus rien ni personne. Seulement la fin de
l’histoire.
Cet été-là, il n’avait pas passé sa main dans son cou. Ni posé ses lèvres sur sa bouche.

En réponse au ministre, le journaliste avait ri, poliment. S’y était-il senti obligé ?
A quel point faut-il aimer un homme pour endurer ses passages dans les médias ? Et ces actrices, ces femmes célèbres, qu’on interroge sur leurs méthodes de séduction, même quand elles vivent en couple, même quand elles viennent d’accoucher.
J’aime quand les hommes font le premier pas légende le regard joliment
aguicheur sur la table du salon. Il faut savoir vivre avec cela.

Elle avait des épingles dans la bouche et les bras levés au-dessus de sa tête. Elle entortillait des mèches avant de les fixer. Elle se hâtait, ne voulait pas qu’ils arrivent en retard à l’anniversaire de Pierre.
Tu es tellement prévisible, tellement sans surprise, tu es comme un roman mal
écrit
.
Pourtant, elle n’avait pas quitté ses cheveux des yeux, dans le miroir de la salle
de bain, elle n’avait pas vacillé. Comment avait-elle réussi à ne pas pleurer ?
Tu es prêt ? On y va ?
Mais, dans la voiture, elle avait mis un disque pour se distraire de la vérité qui la vrillait de toute part et contre laquelle elle savait qu’elle ne se révolterait pas.
C’est fini, c’est fini, c’est fini, c’est fini

Sa voisine est revenue, accompagnée de l’employée. Elle a achevé sa conversation dans un rire avant de reprendre son livre.
En son absence, elle aurait dû se saisir du volume et regarder la liste « du même auteur ».
Mais comment s’appelle ce roman ?
Elle sait qu’il vaut mieux ne plus chercher, qu’elle ne retrouvera le titre que dans quelques jours, au détour d’une association d’idées. Ou alors ce soir, oui peut-être ce soir, par hasard.

Ce n’est pas très grave, de toute façon, dit-elle à voix haute.
Pardon ? L’employée se tient à présent derrière elle, la regarde interrogativement dans le miroir, semble l’inviter à poursuivre.
Non, rien, elle balaie la question d’un geste de la main.
Alors, si vous le voulez bien, on va passer au shampooing : il est temps de rincer la couleur.
(illustration de Mme Ga)

dimanche 6 juin 2010

Les rendez-vous

Au téléphone, elle a indiqué l'emplacement de la terrasse, elle a dit 
Je t'attends.

Entre deux pages, j'ai spéculé sur la nature du lien qui l'unissait à la personne qui la rejoindrait.

Puis, plus tard, elle a décroché.
Non, c'est trop tard, j'y vais.

"Cette attente vague dans un café, qui a l'air d'un début de chapitre, ce fut en fait une mauvaise action. Il fallait laisser aller l'étonnement à la surface des choses, comme un système de rebonds délicat et complexe : des ricochets sur une eau lisse, et qui la troublent, mais rien de plus et surtout pas de station, pas d'arrière-pensée, pas de plan -ou rien que celui de la ville avec la chance qu'avance dans ses plis cette démarche légère."
Jean-Christophe Bailly. Description d'Olonne.

samedi 5 juin 2010

Une affaire de femmes

"et je me disais holà, attention, tu vas te réfugier dans le domestique et suffoquer en tombant tête la première dans un bol de pâte à biscuits."
Sylvia Plath. 

Toutes ses biographies -même les plus succintes, même les notices- évoquent l'assiette de biscuits et le lait que Sylvia Plath avait disposés sur la table pour ses enfants qui dormaient pendant qu'elle se faisait mourir.

Qui a versé le lait dans l'évier et jeté le contenu de l'assiette empoisonné par le gaz ?
Qu'a-t-on en tête dans un moment comme celui-là ?

Et si, plutôt que d'avoir allumé le four, Sylvia ne l'avait pas éteint et en avait laissé la porte ouverte après avoir confectionné elle-même une fournée de biscuits ?

De Sylvia Plath, il nous reste ses carnets et les témoignages de sa difficulté à concilier sa création et sa vie familiale.
Mais, entre ces pages ou celles de son livre de chevet, a-t-on retrouvé sa recette de biscuits favorite ?

Biscuits d'Alice


Déposez 2 tasses de farine tamisée sur une planche farinée. Il vous faudra deux tasses et demie de beurre, 6 jaunes d'oeufs et une tasse de sucre à glacer avec lequel vous aurez tamisé une gousse de vanille écrasée. Travaillez légèrement en incorporant du bout des doigts tous les ingrédients, un sixième à la fois, jusqu'à ce qu'ils soient tous parfaitement amalgamés. Il vous faudra peut-être plus de farine suivant la taille des jaunes d'oeufs et la qualité du beurre. Ajoutez seulement assez de farine pour vous permettre de rouler la pâte. Abaissez-la au rouleau jusqu'à une épaisseur de 6 ou 7 mm. Découpez-la avec un moule à biscuits rond qui ne dépasse pas 7 cm de diamètre. Disposez les biscuits sur une plaque et cuisez au four (thermostat : 5) pendant un quart d'heure environ. Les biscuits ne doivent pas être colorés. Quand ils sont cuits, enlevez-les précautionneusement de la plaque à l'aide d'une spatule en métal. Ils sont aussi fragiles qu'exquis.
Recouvrez-les généreusement de sucre à glacer tamisé. Ne les enfermez pas dans une boîte avant qu'ils ne soient froids. Si la boîte a un couvercle hermétique, les biscuits se conserveront quinze jours, ou plus.
Alice Toklas. Le livre de cuisine d'Alice Toklas.

vendredi 4 juin 2010

Naissance des fantômes

La pose d'un nouveau chauffe-eau dans la salle de bain a mis à nu le mur ancien et exhumé le désuet papier peint. 
Quand j'ai entendu des voix
juste à cet endroit, 
des voix, des chuchotements, 
j'ai cru à des revenants. 

Mais non : c'était, dans les tuyaux, au loin, une conversation entre mes voisins.

jeudi 3 juin 2010

Une enquête sentimentale


Vous est-il déjà arrivé de voir un renard ? 
Avez-vous souri au conducteur qui vous a laissé traverser hier ? 
Aimez-vous encore les biscuits que vous aimiez enfant ? 
Où serez-vous dans un an ? 
Donnez-vous des miettes de vos sandwichs aux oiseaux ? 
De quoi souffrez-vous le plus : de nostalgie ou de ne pas avoir de souvenirs ?
Qu'est-ce qui vous fait vous lever le matin ?

mercredi 2 juin 2010

Précis de topographie 13

La topographie est l'art de la mesure puis de la représentation sur un plan ou une carte des formes et détails visibles sur le terrain, qu'ils soient naturels (notamment le relief) ou artificiels (comme les bâtiments, les routes, etc.). Son objectif est de déterminer la position et l'altitude de n'importe quel point situé dans une zone donnée, qu'elle soit de la taille d'un continent, d'un pays, d'un champ ou d'un corps de rue.
La topographie s'appuie sur la géodésie qui s'occupe de la détermination mathématique de la forme de la Terre (forme et dimensions de la Terre, coordonnées géographiques des points, altitudes, déviations de la verticale...). La topographie s'intéresse aux mêmes quantités, mais à une plus grande échelle, et elle rentre dans des détails de plus en plus fins pour établir des plans et cartes à différentes échelles.
Bien sûr qu'il arrive qu'elles me manquent, les rues, les odeurs et les lumières, les foules.
C'est par bouffée -comme un coup de poing dans le ventre qui ne prévient pas- l'inverse exact du bonheur.

Elles me manquent les avenues et aussi la largeur du ciel, le ciel bleu ou la nuit précoce dont les étoiles escortaient mes retours. 

A gauche en sortant de la gare -sortie sud- puis entre le pachinko et le restaurant dont Cary m'avait dit que c'était le pire de Tokyo. Passer devant les odeurs de savon du bain public et les lumières blafardes à toute heure de l'AMPM.
Parfois tard le soir, je croisais le marchand de patate douce grillée dont le haut parleur criait Yakiimo.
Ici, c'est à 21H15 que le marchand de glace se gare rue Jourdan et fait sonner sa musique de rien.


mardi 1 juin 2010

Tuesday self portrait (une excuse)


Mon coiffeur expose des collages d'Erro... Une (autre) bonne raison d'aller lui rendre visite.