lundi 31 décembre 2012

que sera votre vie


si ce n'est ce que vous en faites

dimanche 30 décembre 2012

reader's digest


Je tirai mes sacs de sous le lit et commençai à les remplir. Je ne vais pas tout emballer, pas encore, pas définitivement, murmurai-je. Je vais d'abord emballer sommairement. Préemballer, comme on précuit des aliments. Le mot "sommairement" me plut. Je me mis à l'essayer dans d'autres combinaisons. Je dis : Je vais faire des préparatifs de voyage sommaires. Je voudrais m'informer sommairement du prix. Pourriez-vous me dire sommairement quelle heure il est ?
Paul Nizon. La forme de la truite.

Dans les cahiers de couleur, ce ne sont pas mes mots.
mais 
les relire 
me relire
Recopier mes lectures, c'est comme écrire mes journaux. 


samedi 29 décembre 2012

il (me) dit :

Vous auriez une petite pièce pour moi, madame 
??????????????????????????????????????????
C'est pas grave, vous êtes charmante quand même
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Et vous faites pas votre âge 
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

vendredi 28 décembre 2012

Le cabinet des rêves 103

Je fais une course d'orientation avec I. 
A la fin, j'ai peur d'avoir oublié mes clefs. Pourtant, je me souviens les avoir utilisées pour fermer mon appartement.
Puis, je les retrouve dans ma poche. 
Au retour, on traverse un chantier sur lequel L. est en train de commencer à travailler. 
Plus tard, je marche avec lui le long d'un fleuve.
Le ciel est superbe et je m'enthousiasme à ce sujet. 
Il me fait remarquer qu'on aurait pu en voir un encore plus beau sur un pont sur l'Atlantique à Noël, qu'il m'a fait signe mais que je n'ai pas répondu. 
Je ne suis pas d'accord avec sa version des faits. 

Rêve du 17 décembre 2012

jeudi 27 décembre 2012

Lire dans les trains (le retour)

Ou, pour exprimer les choses différemment.
Lidia Jorge. Le Jardin sans limites


mercredi 26 décembre 2012

L'éducation sentimentale

Nos vies étaient jeunes encore et nos amours débutants.
Nous nous embrassions sur un banc et parlions d'avenir en espérant que le temps dure longtemps.
Main dans la main, nous allions visiter les maisons témoins en faisant semblant d'être grands.
Le village factice fut détruit, nos sentiments disparurent eux aussi.
Ce qui me resta fut une solide et durable détestation des pavillons.
Et des vies assorties dont on voulait me faire croire qu'il n'y avait qu'un modèle.

mardi 25 décembre 2012

Tuesday self portrait (un anniversaire)

Rediffusée à l'occasion du 90ème anniversaire de Claude Ollier, l'émission avait été enregistrée dans son jardin, un jour de septembre dont j'essaie en vain de me souvenir.

lundi 24 décembre 2012

fille de l'est

Découvrant l'embrasement du ciel du réveil
Je me suis souvenue qu'ici aussi
,décidément,
Je dormais côté levant.

dimanche 23 décembre 2012

Lire dans les trains (l'aller)

  Voilà ce qu'il voudrait, ça plus que tout autre chose au monde : que lire occupe tout l'espace du présent, que tout ce qui se produit en un même point du temps soit d'une certaine manière avalé d'un coup par la lecture.
Alan Pauls. Histoire des larmes
 quand je pars en voyage je sais que les mots vont être en concurrence 
avec le paysage

samedi 22 décembre 2012

Un samedi de pluie

Plus tôt dans la semaine, il faisait gris et il y avait dans l'air la mélancolie d'un jour férié, d'une pile de vaisselle sale, de la sonnerie d'un téléphone que personne ne décroche. 
Assis sur le tapis, nous avons feuilleté des livres de photographie. 
Dans mon appartement dépeuplé, à présent nos voix résonnent.
Je me suis progressivement absorbée dans ma tâche. Quand j'hésitais entre garder et jeter, je choisissais toujours de jeter. La sensation de netteté que j'éprouvais au moment où toutes ces choses bourrées de vieux souvenirs quittaient mes doigts m'était agréable. 
J'étais dans un tel état d'esprit que je n'aurais pas pu ne pas ranger ma chambre de fond en comble. Au fur et à mesure que le bruit de la pluie se faisait plus violent, le soir s'épaississait de l'autre côté de la vitre. Alors que je classais, l'une après l'autre, de vieilles lettres, changeais l'ordre des disques ou taillais mes crayons, il m'est venu à l'idée que ce travail n'aurait jamais de fin. J'avais l'impression que les choses débordaient de ma mémoire, interminablement comme des gouttes de pluie. Néanmoins, je restais étrangement absorbée, sans ressentir de dégoût.
Yoko Ogawa. Un thé qui ne refroidit pas. 

vendredi 21 décembre 2012

Le cabinet des rêves 102

Jamais je ne dors : je vis et je rêve, ou plutôt, je rêve dans la vie comme dans le sommeil, qui est aussi la vie. Il n'y a pas d'interruption dans ma conscience : je sens ce qui m'entoure si je ne suis pas encore endormi, ou si je dors mal; et je commence à rêver aussitôt que je m'endors réellement. Ainsi suis-je un perpétuel déroulement d'images, cohérentes ou incohérentes, feignant toujours d'être extérieures, les unes interposées entre les gens et la lumière si je suis éveillé, les autres interposées entre les fantômes et cette sans-lumière que l'on aperçoit, si je suis endormi. Je ne sais véritablement pas comment distinguer une chose de l'autre, et je ne saurais affirmer que je ne dors pas quand je suis éveillé, ou que je ne m'éveille pas alors même que je dors.
Fernando Pessoa. Le livre de l'intranquillité
Sur le chemin pour rentrer chez moi, je dépasse deux garçons dont l'un ressemble à K. 
J'habite dans une chambre dont la fenêtre ferme mal : plusieurs fois quand je rentre, je la trouve ouverte alors que je suis certaine de l'avoir fermée et je finis par voir pourquoi elle s'ouvre toujours ainsi (ça m'ennuie d'autant plus qu'il pleut). 
Dans cette chambre, je loge avec deux personnes : une jeune fille blonde qui sort son tricot et un séminariste. 
La jeune fille est la soeur de K. et elle me dit qu'il m'a vue sur la route mais qu'il avait beaucoup de choses à faire avec le garçon avec qui il était et qu'il l'a chargée de me dire bonjour de sa part.
Ça me fait plaisir.

Rêve du 1er décembre 2012


jeudi 20 décembre 2012

sans moi

Par la fenêtre : le même ciel sans nuances, la même pluie qui tombe droite et lourde. 
Dans le train du retour ou dans mon fauteuil sédentaire, c'est un peu le même voyage
immobile 
et intérieur.

mercredi 19 décembre 2012

Les lectures des otages

La bibliothèque Brautigan, aux Etats-Unis, à Burlington dans le Vermont, est constituée de livres refusés par les éditeurs, d'ouvrages avortés en somme, figés à ce stade du manuscrit auquel s'attache, pire que l'opprobre, le verdict souvent aussi injuste que définitif du ratage. Des livres qui n'existent donc pas.
(...) Inspirée par le roman L'avortement de Richard Brautigan et en hommage à ce dernier, fondée par Todd Lockwood, la Brautigan Library est souvent le dernier recours -parfois le premier- pour les auteurs qui désirent voir leurs oeuvres non publiées archivées, et lues par des personnes qui se déplacent parfois de très loin pour y avoir accès. Le roman de Brautigan racontait en effet l'histoire d'un bibliothécaire et de son amie qui, à San Francisco, se rencontrent et vivent dans une bibliothèque imaginaire de livres non publiés. 
(...) Du Canada, d'Angleterre, de France, d'Italie, de Suède, de Russie et de tous les Etats américains, des lecteurs, de plus en plus nombreux, ont fait depuis 1990 ce pèlerinage littéraire pour découvrir une bibliothèque si particulière, née d'une fiction. Elles sont rares ces fictions assez puissantes pour générer des monuments et s'inscrire dans le réel avec l'assurance du premier fait historique avéré. Dans ce panorama des fables incarnées, la Brautigan Library est voisine du monument qui orne aujourd'hui les abords de l'arsenal d'Odessa, lequel commémore la fusillade tragique qui ne s'y déroula jamais que sur la pellicule du film d'Eisenstein.
Jean-Yves Jouannais. Artistes sans oeuvres (I would prefer not to)
 Et puis
il y a aussi
ces livres que je referme bien
avant leur fin, que je rapporte bien
avant leur date de péremption
tout en me posant la question :
et s'il n'y avait que lui,
dans ma vie,
finirais-je par lui trouver
quelque chose de particulier ?

mardi 18 décembre 2012

Tuesday self portrait (le vide)

"A mon avis, nous devrions tous vivre dans un grand espace vide. Ce peut être un petit espace du moment qu'il est propre et vide. 
J'aime la manière dont les Japonais rangent tout dans des placards. Mais je préfèrerais qu'il n'y ait pas de placard parce que c'est hypocrite. Mais si l'on ne peut pas aller jusqu'au bout et qu'on estime avoir réellement besoin d'un placard, il faut alors que le placard soit une portion d'espace totalement séparée afin de ne pas trop l'employer comme béquille.
Si l'on vit à New York, il faudrait que le placard soit au moins dans le New Jersey. Maintenir le placard à bonne distance de l'endroit où l'on vit : on ne peut pas avoir le sentiment de vivre la porte à côté de son dépotoir. 
Tout, dans ce placard, devrait avoir une date limite comme le lait et les journaux et chaque fois qu'une chose arriverait à expiration, on la jetterait. 
Le mieux, ce serait d'avoir une boîte pour un mois, de tout y mettre et de la boucler à la fin du mois. Et puis, de la dater et de l'expédier dans le New Jersey."
Andy Warhol. Ma philosophie de A à B(une lecture de Valérie Lang)

lundi 17 décembre 2012

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dimanche 16 décembre 2012

blanc

A la lettre M, je me saisis de lui.
Mais c'est moi, qui fus saisie.

Sur la page du prix m'apparut l'adhésif chiffré qui signe certains de mes présents.
Ainsi je sus que l'homme à qui je l'avais offert s'en était défait, finalement.

Luisa fredonne parfois dans la salle de bains, tandis que je la regarde se préparer, appuyé au chambranle d'une porte qui n'est pas celle de notre chambre, comme un enfant paresseux ou malade qui regarde le monde depuis son oreiller ou sans franchir le seuil, et là j'écoute ce chant féminin fredonné entre les dents qui n'est pas destiné à être écouté, encore moins interprété ni traduit, ce chant insignifiant, involontaire et sans destinataire que l'on entend, que l'on apprend et que l'on n'oublie plus. Ce chant malgré tout émis et qui ne se tait ni ne s'émousse ensuite, lorsqu'il est suivi du silence de la vie adulte, ou peut-être masculine. 
Javier Marias. Un coeur si blanc.
(ICI c'était un autre
Un autre jour, un autre homme, un autre cadeau, un autre livre)

samedi 15 décembre 2012

il dit :

Quand tu rentres dans son bureau,
 il y a un yucca qu'il a appellé
 Georges 
et qui est un ami de trente ans 
!!! 
Je le lui avais offert 
un jour où il n'y avait pas de fleurs
 à la gare du midi.

vendredi 14 décembre 2012

Le cabinet des rêves 101

L'histoire des rêves accompagne celle des hommes. Depuis qu'il a appris à se raconter, l'homme raconte ses rêves, attribuant au fait de rêver des motivations différentes. L'interprétation des interprétations de l'activité de rêver pourrait constituer une interprétation de la civilisation humaine.
Antonio Tabucchi. Autobiographies d'autrui.
Je dois partager ma chambre avec une vieille dame. 
Je m'aperçois qu'elle est déjà couchée quand j'arrive. 
Je vais à son chevet pour me présenter. 
Je ne distingue pas de formes sous les draps, je vois juste une espèce de petit playmobil (tout blanc, cheveux compris) posé sur l'oreiller. 
Je dis : Mais vous êtes toute petite ! 
Plus tard, je m'aperçois qu'il y a effectivement une vieille dame dans le lit. 
Comme le playmobil, elle a les cheveux blancs et porte une chemise de nuit de la même couleur. 
Elle est petite et frêle. 
Elle a l'air revêche. 

Rêve du 11 décembre 2012

jeudi 13 décembre 2012

Baisers volés

Un matin, il était en tee shirt et tranchait du pain. Elle a enroulé ses bras autour de son ventre et posé sa joue, doucement, sur son omoplate. Il n'a plus bougé.
Un autre jour, c'était elle qui cuisinait. Lorsqu'il l'a enlacée, lui a soulevé les cheveux pour embrasser sa nuque, elle s'est dégagée suffisamment pour pouvoir se retourner et lui offrir sa bouche. 

Mes nouveaux voisins ouvrent les rideaux que les précédents gardaient obstinément tirés. 

Quant à ceux du rez-de-chaussée, ils aiment toujours regarder les séries dont je me demande si les acteurs qui les doublent parlent aussi peu naturellement le soir, dans leur cuisine.
Samedi, un rendez-vous sentimental à midi ICI
Ecris-moi, je t'en prie, de temps à autre.
Ne m'écris pas de façon trop vague.
N'hésite pas à me raconter que le rideau de notre fenêtre a de nouveau brûlé et que les gens nous regardent de la rue. 

De coeur, à toi,
Ingeborg.

Vienne, 26 mars 1951 

Le temps du coeur. Correspondance entre Ingerborg Bachmann et Paul Celan

mercredi 12 décembre 2012

Table des matières

Machine abstraite de visagéité
Fonctions sociales du visage
Les deux figures du visage : face et profil, le détournement
Longitude, latitude et plan de consistance
Devenir imperceptible
Le devenir contre l'imitation
Dans le noir, chez soi, vers le monde
La pancarte et le territoire
L'expression comme style : visages rythmiques, paysages mélodiques
Problème de la consistance
(extrait de la table des matières de Mille plateaux de Gilles Deleuze et de Félix Guattari)
Quant à moi, 
ce soir-là, 
je déposai sur sa table
trois de mes chapitres 
en plus du livre que je lui rapportai.

"Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. […] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents […] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. […] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire."
Paul Ricoeur. Temps et récits III, Le temps raconté.

mardi 11 décembre 2012

Tuesday self portrait (les heures blanches)

Au matin, mon miroir me rappela que j'avais rêvé d'une très vieille femme endormie
 après plusieurs heures d'insomnie.
Ce à quoi on n'échappe pas c'est au poids des joues, à leur mollesse ressentie par les mâchoires, à la fuite du biceps sous une poigne amicale, à la peau voyageuse, indécise sur la place à prendre sur l'os, collant aux doigts. 
Suzanne comprend de mieux en mieux le rêve d'Emmanuel de faire retendre tout ça chirurgicalement. On doit y trouver le même soulagement qu'à se laver les mains après avoir mangé de la confiture. 
Marie-Louise Haumont. Comme ou la journée de madame Pline. 

lundi 10 décembre 2012

companheiro

Vivre une vie cultivée et sans passion, au souffle capricieux des idées, en lisant, en rêvant, en songeant à écrire, une vie suffisamment lente pour être toujours au bord de l'ennui, suffisamment méditée pour n'y tomber jamais. Vivre cette vie loin des émotions et des pensées, avec seulement l'idée des émotions, et l'émotion des idées. Stagner au soleil en se teignant d'or, comme un lac obscur bordé de fleurs. Avoir, dans l'ombre, cette noblesse de l'individualisme qui consiste à ne rien réclamer, jamais, de la vie. Etre, dans le tournoiement des mondes, comme une poussière de fleurs, qu'un vent inconnu soulève dans le jour finissant, et que la torpeur de la nuit tombante laisse retomber au hasard, indistincte au milieu de formes plus vastes. Etre cela de connaissance sûre, sans gaieté ni tristesse, mais reconnaissant au soleil de son éclat, et aux étoiles de leur éloignement. Ne rien être de plus, ne rien vouloir de plus...
Fernando Pessoa. Le livre de l'intranquillité.
Malgré l'éloignement de certains
d'autres reste(ro)nt, continue(ro)nt à être à portée de ma main. 

dimanche 9 décembre 2012

Livres à rendre le 4 janvier

C'est vrai que je retiens une date uniquement si cela a un rapport avec ma vie personnelle.

(...)La plus grande découverte, pour moi, ce fut la bibliothèque. Pendant assez longtemps, je n'ai pas eu connaissance de la bibliothèque, cette idée magique consistant à rassembler un grand nombre de livres dans un espace fermé. Dire qu'il y a un endroit où se trouvent exposés des milliers de livres. Je crois que c'est l'image la plus proche du paradis. Pour ma grand-mère, le paradis est une énorme cafetière, pour moi, ce sera la bibliothèque. 
Dany Laferrière. J'écris comme je vis
Savoir de lui qu'il était objecteur de conscience au cinéma que je fréquentais ne suffisait pas à me laisser croire que je connaissais Adam. 
Pourtant, j'étais au courant de l'état de son compte en banque comme si j'avais été une de ses proches. 
Régulièrement en effet, apparaissaient sur les étagères de l'un des bouquinistes de la ville, des volumes marqués de son nom, dans une quantité qui lui avait vraisemblablement permis de régler une facture d'électricité ou un mois de loyer. 

Il m'arrive de reconnaître, dans les rayons, des livres qui, il y a peu, vivaient chez moi, que j'ai récemment transportés jusqu'au comptoir de vente. 
Intérieurement je les salue comme d'anciens amis, d'anciens amants que je ne vois plus mais à la mémoire desquels je suis fidèle. 

Et puis, je vais à la bibliothèque.


samedi 8 décembre 2012

il dit :

Quand je viens en ville, je mets toujours une cravate, toujours.
Les politiciens n'en mettent plus et ça me choque.
Un 21 juillet, même ! 
C'est
incroyable ! 

Au début du siècle dernier, tout le monde était en jaquette. Au sénat : en redingote.
Les tee shirts, ça coûte pas cher, ça change tout le temps.
C'est pas de la qualité. 
Moi, il m'est arrivé de porter un costume que je portais il y a 50 ans.
50 ans ! 
J'ai eu un peu de mal à fermer le pantalon, c'est tout.

vendredi 7 décembre 2012

Le cabinet des rêves 100

Je n'ai jamais connu de sommeil sans rêve. Autrefois, l'abondance de mes rêves me troublait. Je me promenais avec d'absurdes commissions à faire, débattais de choses non moins absurdes, terminais ou arrangeais les affaires les plus assommantes. Mais, maintenant, mes rêves sont plus dépouillés, plus sinistres. Certains sont effrayants.
Saul Bellow. Un homme en suspens.
Je suis avec ma mère, assise à une table de pique-nique, dans la rue. 
Elle raconte quelque chose (je ne sais plus quoi) à propos de mon père et s'exclame : 
Mais oui, A. ! Je sais que tu as horreur que je raconte ça !
Je lui demande si elle le "voit", si, pour elle, il est "là", comme si ça lui était déjà arrivé de voir son fantôme. 
Elle me répond : Non, pas cette fois

Rêve du 25 septembre 2012

jeudi 6 décembre 2012

TU NE ME DOIS RIEN

Dépression au-dessus du jardin
ton expression est au chagrin
tu as laché ma main 
comme si de rien n'était de l'été
c'est la fin 
les fleurs ont perdu leur parfum
qu'emporte un à un le temps assassin
dépression au-dessus du jardin
j'ai l'impression que c'est la fin
je te sens soudain tellement lointain
tu t'es égaré en chemin
tu essayes de me faire croire en vain
que l'amour revient 
que l'amour reviendra
l'été prochain
l'été prochain
l'été prochain
J'habite dans la voix du CHANTEUR
mais aussi dans celle du philosophe

mercredi 5 décembre 2012

La chevelure

L'alerte à l'éruption de la Soufrière avait-elle seulement coïncidé avec notre départ de l'île ou l'avait-elle  hâté ? Dans tous les cas, elle avait donné lieu à l'évacuation des populations avoisinantes qui avaient été hébergées dans les locaux habituellement dévolus à notre centre aéré.
Insensible, alors, au danger encouru par les personnes, j'avais surtout trouvé cela profondément injuste que ces événements nous forcent à partir sans pouvoir emporter mes petits travaux d'enfant.
Très vite, cependant, je ne l'ai plus regretté : combien de temps aurais-je conservé ces minuscules(1) réalisations qui m'auraient systématiquement rappelé ces journées obligées de vie en société(2), ces voyages dans un bus empli d'enfants qui criaient trop fort pour moi :
on est arrivés-vés-vés au centre aéré-ré-ré
???

De mon jeune âge, je n'ai pas les vestiges qui me feraient dire
j'ai bu dans ce gobelet, j'ai aimé cette poupée, j'ai porté cette gourmette
Non. 
Ce que je garde a été moi.
Une natte de cheveux, soyeuse, souple,
vivante(3)
et si courte dans mes mains adultes alors qu'elle tombait si bas dans mon dos de toute petite fille.

(1)Minuscules et certainement ridicules car mon inaptitude aux choses manuelles a été précoce.
(2)Car précoce également fut ma préférence pour la solitude et s'il n'avait tenu qu'à moi...
(3)Si les cheveux, contrairement à la légende qu'on entend souvent, ne poussent plus après notre mort, ils sont néanmoins imputrescibles. La natte de mes 5 ans pourrait donc me survivre infiniment.
Combien votre lettre m'a ému avec la description de votre vieille maison pleine de tableaux de famille. Comme cela fait rêver, les vieux portraits ! Je vous aime pour cet arbre, ce noyer que vous aimez. Pauvre chose que nous ! Comme nous nous attachons aux choses ! C'est surtout quand on voyage que l'on sent profondément la mélancolie de la matière, qui n'est que celle de notre âme projetée sur les objets. Il m'est arrivé d'avoir des larmes aux yeux en quittant tel paysage. Pourquoi ?

Gustave Flaubert. Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie. Croisset, le 18 février 1859. 

mardi 4 décembre 2012

Tuesday self portrait (visage et paysage)

Or le visage a un corrélat d'une grande importance, le paysage, qui n'est pas seulement un milieu mais un monde déterritorialisé. Multiples sont les corrélations visage-paysage, à ce niveau "supérieur". L'éducation chrétienne exerce à la fois le contrôle spirituel de la visagéité et de la paysagéité : composez les uns comme les autres, coloriez-les, complétez-les, arrangez-les, dans une complémentarité qui renvoie paysages et visages6. Les manuels de visage et de paysage forment une pédagogie, sévère discipline, et qui inspire les arts autant qu'ils l'inspirent. L'architecture place ses ensembles, maisons, villages ou villes, monuments ou usines, qui fonctionnent comme visages dans un paysage qu'elle transforme. La peinture reprend le même mouvement, mais le renverse aussi, plaçant un paysage en fonction du visage, en traitant l'un comme l'autre : "traité du visage et du paysage". Le gros plan de cinéma traite avant tout le visage comme un paysage, il se définit ainsi, trou noir et mur blanc, écran et caméra. Mais déjà les autres arts, l'architecture, la peinture, même le roman : gros plans qui les animent en inventant toutes les corrélations. Et ta mère, c'est un paysage ou un visage ? un visage ou une usine ? (Godard). Pas un visage qui n'enveloppe un paysage inconnu, inexploré, pas de paysage qui ne se peuple d'un visage aimé ou rêvé, qui ne développe un visage à venir ou déjà passé. Quel visage n'a pas appelé les paysages qu'il amalgamait, la mer et la montagne, quel paysage n'a pas évoqué le visage qui l'aurait complété, qui lui aurait fourni le complément inattendu de ses lignes et de ses traits ?


6. Les exercices de visage jouent un rôle essentiel dans les principes pédagogiques de J.-B. de la Salle. Mais déjà Ignace de Loyola avait joint à son enseignement des exercices de paysage ou des "compositions de lieu" concernant la vie du Christ, l'enfer, le monde, etc. : il s'agit, comme dit Barthes, d'images squelettiques subordonnées à un langage, mais aussi de schèmes actifs à compléter, à colorier, tels qu'on les retrouvera dans les catéchismes et manuels pieux.

Gilles Deleuze, Félix Guattari. Mille plateaux

lundi 3 décembre 2012

LES LUNDIS DE LA PHILOSOPHIE

 6- Le désir est-il la marque de la misère de l'homme ? (14.03.89)

Une réflexion sur le problème du désir le plus souvent assez pertinente. Mais il est cependant bien dommage que le sens précis du sujet n'ait pas été davantage analysé. 
12/20

dimanche 2 décembre 2012

Photograph (not) taken

I recentely stood at an intersection in New York and, for a long time, watched people walk by, hoping to make portraits. One man didn't want his portrait taken. When people say no, it often gets me thinking. (...)
In truth, the act of going out to take photographs of strangers is something I dread. Bur I keep going back to it. Despite the anxiety of the process, I am fascinated by the delicaty of the exchange, the tenuousness of the relationship, and the unpredictability of the outcome. I am fascinated by how a portrait of a stranger can take on meaning for another stranger -how an anonymous viewer can look at that person (a person who in theory means nothing to him or her) and feel something. There is mystery and hope in that.
Gregory Halpern
Photographs not taken est un recueil de textes de photographes réunis par Will Steacy
Peut-être jamais ne le referai-je.
Et cette fois, c'était la première.
L'unique, donc.

Quelques heures à peine auparavant, j'étais encore dans un autre pays, dans un autre matin... dans un avion, plus exactement.
Alors que j'essayais de m'habituer à l'heure, à la langue, à la chaleur, à la topographie,
je m'engageai dans une petite rue, attirée autant par le hasard que par l'ombre.

Elle était assise sur le trottoir.
Les sacs déposés à ses pieds témoignaient d'une séance de magasinage.
Ni le temps ni le reste du monde ne semblaient avoir de prise sur elle tandis qu'elle tournait lentement les pages de son livre, expirait longuement la fumée de sa cigarette.

Si j'avais réfléchi, sans doute n'aurais-je pas demandé à la photographier.
Pas davantage ne me serais-je passée de son autorisation.
Si j'avais réfléchi, je ne l'aurais pas prise en photo.
Car, au moment même où je le fis, je sus que le cliché ne vaudrait rien, qu'il ne m'intéresserait pas, que je ne le conserverais même pas.

C'est notre échange -bref, gai- qui donna toute sa valeur à l'instant. 

samedi 1 décembre 2012

il (me) dit :

Comme vous êtes jolie, coiffée comme ça, 
mademoiselle !!!!!!